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Les LegalTechs à la barre

  • Photo du rédacteur: AI for Citizen
    AI for Citizen
  • 30 avr. 2020
  • 5 min de lecture


Comme le rappelait l’ancien vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé dans un discours de 2018, les algorithmes sont « une opportunité » pour le monde du droit. Il conviait cependant son auditoire à « faire preuve d’une grande vigilance sur l’intangibilité d’une justice indépendante, impartiale, transparente, humaine et équilibrée qui se garde de tout automatisme et de tout psittacisme ».


De fait, le monde du droit n’échappe pas à la vague de transformation digitale que connaissent de nombreux secteurs. On observe depuis moins de cinq ans une montée en puissance des LegalTechs, panoplie de nouvelles technologies au service de métiers du droit. Le marché français a lui seul compte plus de 200 solutions faisant levier sur l’intelligence artificielle et l’analyse des données, la blockchain ou encore les chatbots pour répondre à des problématiques diverses. Les cabinets d’avocats et les services juridiques sont de loin les premières cibles. Mais le grand public, les institutions et les entreprises ne sont pas en reste. Sur le plan mondial, 1300 entreprises LegalTech ont pu être identifiées, réparties en 13 catégories différentes. L’automatisation et la gestion de l’information légale, l’analyse de la propriété intellectuelle et les solutions de justice prédictive occupent les premières places. Les plateformes d’accès aux professionnels du droit et les outils de gestion de cabinet d’avocat complètent ce classement. Volume des données, analyse des dossiers, unification de la jurisprudence, le monde du droit est un terrain d’expérimentation tout indiqué pour ces solutions technologiques.


Justice prédictive

Dans ce panorama hétéroclite des LegalTechs, les outils de justice prédictive sont les plus attendus et les plus questionnés. « Instruments développés grâce à l’analyse de grandes masses de données de justice qui proposent notamment […] de prévoir autant qu’il est possible l’issue d’un litige » selon le rapport sur l’Open data des décisions de justice du professeur du droit Loïc Cadiet de 2018, elles ne représentent pourtant que 5% du marché des LegalTechs en France. Il s’agit toutefois de solutions bien connues des magistrats, utilisées surtout pour évaluer le succès d’une action en justice et optimiser les stratégies contentieuses.


Doctrine et Predictice, créées en 2016, ont développé un moteur de recherche qui donne accès à des décisions de justice et permet d’estimer les probabilités de réussite d’un litige. D’autres solutions telles que Juri’Predis ou legalmetrics mettent à disposition des informations concernant la jurisprudence ou des statistiques sur le contentieux. Enfin, Case Law Analytics propose aux cabinets d’avocats, aux cabinets d’assurance et aux entreprises privés des outils d’anticipation des aléas juridiques. La « boîte noire » des solutions de justice prédictive semblent pourtant encore mal connue et les critiques qui leur sont adressés demeurent nombreuses : difficulté d’adaptation face à l’évolution des règles juridiques, absence d’autoévaluation, de transparence et d’explicabilité…


Institutions

Les acteurs institutionnels ont à leur tour décidé de sauter le pas pour mettre la technologie au service de leurs besoins. Certains pays de l’OCDE, comme la Finlande ou les Etats-Unis ont déjà recours à des algorithmes pour rendre des décisions juridictionnelles. Ces outils obéissent avant tout à des modèles fondés sur des statistiques des décisions de justice.

S’il devrait encore être clarifié par un texte attendu sur l’ouverture des décisions de justice, le contexte institutionnel est aujourd’hui particulièrement favorable en France. La loi pour une République numérique, entrée en vigueur en 2016 prévoit un accès libre et gratuit aux décisions de justice et impose la transparence des algorithmes publics. Cette obligation suppose néanmoins de préserver l’anonymat des justiciables. A cet égard, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat planchent sur une solution basée sur l’intelligence artificielle qui permettra de pseudonymiser les décisions de justice. Une fois pseudonymisées, elles pourront alimenter des bases de données réutilisables pour, par exemple, harmoniser la jurisprudence entre les différents échelons des ordres administratifs et judiciaires.

Le Conseil d’Etat a ainsi lancé une expérimentation basée sur l’intelligence artificielle. Elle vise à identifier automatiquement les similitudes entre les requêtes introduites devant les tribunaux administratifs, sur les « question de droit », afin de réduire les délais de jugement. Dans le même ordre d’idée, la Direction générale des collectivités locale souhaite disposer d’un outil de tri automatique des actes administratifs transmis par les collectivités territoriales aux préfectures pour optimiser le contrôle de légalité par les agents de l’Etat en Préfecture.


Grand public

Avec près d’un quart des solutions proposés sur le marché, le grand public est l’autre cœur de cible des LegalTechs. Elles permettent en effet de faciliter l’accès au droit et de remédier aux critiques récurrentes adressées à la justice : lenteur, coût, inégalité, complexité.

Toutefois, la désintermédiation totale est une fausse promesse. L’expérimentation d’un logiciel aux visées prédictives dans le ressort des cours d’appel de Douai et de Rennes au printemps 2017 a été conclue par le constat partage entre magistrats et avocats d’un inadéquation par rapport aux besoins.


Entreprises

Dans les entreprises, les services juridiques ou d’analyse de risque peuvent également tirer profit des dernières technologies d’analyse de données. Analyser automatiquement un ensemble de contrats pour évaluer leur conformité avec certaines obligations comme le règlement général sur la protection des données européen (RGPD) est tout à fait d’actualité.

En analysant la structure de chaque contrat ainsi que la sémantique de chaque clause, un algorithme peut ainsi détecter celles en lien avec la RGPD et évaluer leur conformité avec la réglementation. Un gain de temps substantiel comparé à une relecture manuelle de l’ensemble des contrats. Une entreprise souhaitant rationaliser et harmoniser les contrats qu’elle propose à ses clients peut également utiliser l’IA pour faire un diagnostic de l’ensemble des contrats existants, regrouper les contrats similaires et proposer ensuite des contrats types homogènes.


Les LegalTechs doivent encore faire face à de nombreux défis

En ce qu’ils touchent au cœur de l’action des professionnels du droit, ces outils font encore l’objet de nombreux débats. La conciliation entre la sensibilité (respect de la vie privée) et la valorisation des données (par exemple pour nourrir des algorithmes d’intelligence artificielle) est une condition essentielle pour proposer des solutions pertinentes. D’où une certaine prudence de la part des principaux acteurs touchés. Pour s’installer définitivement dans le paysage, la charge de la preuve – de leur efficacité et du respect de choix éthique – incombe donc aux LegalTechs.


Ainsi au Royaume-Uni, l’expérimentation HART, conduite en 2016 par des chercheurs de l’université de Londres, et qui avait comme objectif de reproduire des processus de décision du juge européen, n’est pas parvenu à descendre en dessous des 20% de réponses erronées


L’avenir des LegalTech reste à écrire

Parce qu’elles participent à des enjeux essentiels pour le monde du droit (faciliter l’accès à la justice, unifier de la jurisprudence, réduire les délais de jugement), les LegalTechs sont promises à un avenir certain. Le boom du marché - un doublement de taille en France en deux ans – devrait se confirmer.


Pour s'imposer, les LegalTech devront donc dans un avenir proche :

- Tenir compte d’un cadre légal en cours de définition par les pouvoirs publics

- Miser sur l’augmentation digitale des métiers du droit en mutation, plus que sur leur désintermédiation

- Accompagner la création de nouveaux profils comme des « juristes codeurs »

- Convaincre de leur capacité à tenir compte rapidement des évolutions juridiques

- Disposer systématiquement d’un brique d’explicabilité forte pour aider à l’interprétation des résultats

- Valoriser, y compris financièrement, les bénéfices potentiels pour les entreprises et les institutions dans la routinisation de tâches à faible valeur ajoutée

- Faciliter les outils visant à préserver l’anonymat du justiciable et des juges

- Faire levier des historiques de données de décisions de justices qui respectent la vie privée

- Trouver des investisseurs à même de les accompagner dans leurs passages à l’échelle

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